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7 juin 2010

Un Livre...L’ADORATION Déconstruction du christianisme 2

Qu'en pensez vous?

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Tableau de Anna Art



Jean-Luc Nancy


Galilée 150 p., 25 €

commander ce livre sur www.laprocure.com

Glané sur "la Croix"du 3Juin 2010

Juste l'adoration

C’est une pensée pour temps d’éboulement, pour temps d’errance et de perplexité. Une pensée pour vivre aussi, malgré tout, après la chute des dieux, la fin des idéologies, le déclin des eschatologies sacrées et profanes. Avec L’Adoration, le philosophe Jean-Luc Nancy poursuit une ample réflexion sur le moment présent de la pensée, partant «du point où le vieil humanisme européen s’interroge sur lui-même. Notre temps est celui d’une dépropriation. L’homme s’y trouve dépris de lui-même. N’étant plus confié ni aux dieux, ni à la science, il ne trouve pas en lui sa confiance.» Avec une belle écriture souple et ample, le philosophe offre un peu d’oxygène à nos temps oppressés, pour reprendre souffle, comme on y aspire après une course un peu folle.

Le point de départ est un point de non-retour. Nous savons désormais que notre monde est un monde fortuit, fugace, éphémère. «Rien à quoi se fixer, se tenir, rien où inscrire une profession de foi, ni une assurance fondée.» Nous sommes après Nietzsche: «Pas d’autre monde, pas d’outre-monde, ni d’arrière-monde.»

Notre horizon est ce monde-ci. Faut-il en désespérer? Tenter un retour vers la religion? S’efforcer de construire du permanent, du consistant, fût-il athée? Jean-Luc Nancy répond par la négative. C’est en s’en tenant au réel, à «ce» monde, que l’homme peut y entendre la palpitation de la vie. Là, une «transcendance dans l’immanence» peut être pensée, le philosophe la nomme d’un mot: «adoration». «Ce qui est à penser n’est pas autre chose que ceci: comment le fortuit de l’existence ouvre sur une adoration.

Non pas une adoration d’elle-même, comme si le fortuit, l’accident, l’occasion méritaient d’être érigés en gloire adverse des anciennes nécessités, divinités, raisons et destinations. Mais une adoration de ce qui ne s’érige sur aucun autel ni trône, qui ne se drape dans aucune gloire, et dont l’érection tout au plus, si elle a lieu, est aussi bien prosternation, déposition et abandon.»

L’adoration n’est pas adoration de Dieu, ni de quelqu’un, ni de quelque chose. Elle est pur mouvement, impulsion, visée sans objet. «L’adoration s’adresse à elle. L’adoration consiste à se tenir au rien–ni raison, ni origine–de l’ouverture. Elle est cette tenue même.» Elle n’a rien d’une humiliation, tout d’une humilité.

On le sait, on l’entend sous sa plume, Jean-Luc Nancy a longtemps été proche du christianisme. Sa connaissance intime du mystère chrétien étaie une pensée de la «fin de la religion» qui ne lui fait pas offense. Le philosophe n’est pas de ceux qui prêchent un dépassement du christianisme qui laisserait toutes choses à l’identique par ailleurs.

Nietzsche, justement cité, avait déjà prévenu: «La destruction d’une illusion ne donne pas encore une vérité, mais seulement un peu plus d’ignorance.» Cette ignorance frappe aussi la raison. C’est pourquoi l’enjeu du temps n’est pas de remplacer le christianisme par l’athéisme, mais de «garder la place vide», de maintenir le monde ouvert, déplié, déployé. Telle serait notre meilleure part. «Un monde ouvert est un monde sans mythes et sans idoles, un monde sans religion, s’il faut entendre par ce mot l’observance de conduites et de représentations qui répondent à une demande de sens comme demande d’assurance, de destination, d’accomplissement.» En ce sens, Jean-Luc Nancy tient fermement que «les temps n’appellent pas de retour à Dieu, ni à la religion».

Il reconnaît pourtant aussi que le christianisme n’est pas que «religion», il est aussi «foi», «confiance». Il a porté en son sein la déconstruction de la religion, cette «adoration», cette «mise en rapport», qui est désormais notre seule destinée. C’est sous cet angle que le philosophe s’intéresse à la Trinité, à l’incarnation, à la résurrection ou encore à la révélation. «La révélation n’est pas une doctrine; ce qui est révélé n’a rien d’un contenu de principes et d’articles de foi et la révélation ne dévoile rien de caché», peut-il ainsi écrire, ajoutant plus loin que «la révélation du mystère chrétien n’est pas le dévoilement de quelque secret: elle révèle au contraire ce qui, de soi, se révèle et ne fait rien d’autre que se révéler».

De là l’irréductible ambivalence du mot «Dieu». Il est un signe que «nous pouvons effacer (…) s’il devient opérateur de domination, d’emprise, voire d’asservissement: il devient alors en effet contradictoire, puisqu’il annule le passage, il nous annule comme passants, il veut nous fixer à demeure devant des autels, des temples, des livres.» Mais «Dieu» pourrait, peut-être et malgré tout, nommer quelque chose de cette «ouverture» qui maintient la vie. Il faudrait alors «que Dieu ne soit nommé qu’en passant, et comme en passant.»

Sans doute certaines pages de ce livre seront-elles inconfortables, inquiétantes pour certains croyants; d’autres seront sensibles à l’effort de pensée de Jean-Luc Nancy, à distance, mais aussi en voisinage du christianisme. Quelles que soient les premières impressions, il faudrait laisser à ce texte exigeant la chance de résonner, sans chercher ni à le rejeter, ni à se l’approprier trop vite. Peut-être, en ces temps de grandes interrogations, mérite-t-il plus qu’un autre de nous rester un moment étranger pour que, dans la suspension d’une interrogation–nous est-il proche ou lointain?–, la chance d’une ouverture, d’une «déclosion» puisse se vivre.

ÉLODIE MAUROT

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